Petite philosophie pour commencer
A l’heure du débat sur le port du voile a l’école...
Alors que je me souviens précisément comment, en CM2, M. Franc essayait de nous faire comprendre qu’il valait mieux employer le mot xénophobie plutôt que racisme -car celui-ci sous-entendait déjà l’existence de différentes races- , ici, le terme de race est employé si couramment qu’il ne me surprend même plus. Pourtant, le concept de race ne choque personne. Peut-être suis-je trop pointilleuse sur des détails linguistiques mais, a mes yeux, la différence culturelle a son importance. Je crois pouvoir avancer que derrière cette différence d’usage de la langue se cache une clé de la société canadienne, ou du moins de la mentalité torontoise! A Toronto, quand votre regard se ballade et que, pour vous amuser, vous estimer quelle est la proportion de “blancs” (tous européens à l’ origine eh eh, souvenez-vous de vos cours d’histoire du CE2 et de ce cher Christophe Colomb!) autour de vous, il est fort probable qu’ils soient en très large minorité (voir inexistant). Biensur, selon le quartier ou vous vous balladez, ce fait s’explique. Tout le monde s’attend à rencontrer beaucoup plus de chinois dans Chinatown ou bien d’indiens dans Little India. Mais vous pouvez faire cette constatation bien au-delà des limites de ces quartiers ethniques. Plusieurs fois par jour, je constate avec amusement que je suis la seule “blanche” (et très blanche en plus!) parmi 10, 15, peut-être 50 “colorés”. Alors forcement, a l’heure où le racisme (et oui, je suis autochtone maintenant, j’emploie leurs expressions) est un débat brulânt en France (et pour cause!), ainsi que toutes les questions qui en découlent, le problème semble être bien moins virulent par ici. Et je dis bien semble, car n’étant a Toronto que depuis quelques semaines, je ne me permets pas encore de l’affirmer! Dans ma tête en revanche (et maintenant sur votre écran...), la théorie est bien dessinée: les habitants ici sont en permanence entourés de personnes toutes plus différentes les unes que les autres, et donc habituées au multiculturalisme. Ainsi, beaucoup ne se préoccupent même plus de la question de la couleur ou de l’apparence physique. Je ne peux m’empêcher de penser qu’un tel environnement ne peut que favoriser la tolérance. Il parait que la population de Toronto est composée à 60% d’émigrés (comme moi !) et visiblement, c’est une chose normale et voulue. Ce qui m’amène à penser ca ? Ma rencontre avec un jeune instituteur d’école primaire: il m’a raconte que la diversité de ses élèves était incroyable et qu’il en tirait profit. Par exemple, le jour de la rentrée, il leur a donne l’autorisation de répondre « présent » à l’appel dans leur langue maternelle, a condition qu’ils lui apprennent à le prononcer. Ici, l’apprentissage de la tolérance (qui se fait, j’en suis persuadée, inconsciemment a 6 ans) commence donc dès ce stade de l’éducation. Biensur, mon temps au primaire commence à dater et les instituteurs français agissent peut-être de la même façon aujourd’hui, mais je peux témoigner qu’au lycée, parler une autre langue que le français en cours ou même dans les couloirs été mal vu, et pas seulement par les profs! On pourrait aussi souligner que la jeunesse a plus tendance à être tolérante que les plus vieilles générations et que l’approche de mon instituteur est en partie due à son âge. Enfin, le fait que le passé européen et le passé canadien sont fondamentalement différents, puisque le premier est celui d’une civilisation âgée de plusieurs millénaires, l’autre celui d’une nation vieille de quelques centaines d’années seulement, n’est pas à négliger. Mais non, ma conviction persiste! Ici, les gens sont plus tolérants. Quelque part, ils n’ont pas le choix, puisque cette diversité est là. Mais je constate fréquemment qu’à l’université, lorsque les questions de racisme et de tolérance sont abordées sérieusement par des personnes de tout âge (profs, étudiants, dirigeants…), cela se fait de façon décontractée. De plus, déambulent dans les couloirs autant des punks coréens perces de partout, que des femmes intégralement voilées, dont on ne voit que les yeux, que des filles « européennes » habillées de jupes oups-j’ai-oublie-de-mettre-quelque-chose-sous-ma-ceinture. Car la diversité et, au-delà, la tolérance sont bel et bien rentrés dans les mœurs.